Bibliographie : La création onirique
De : P.L. Garfield

 
   
Les rêveurs de l'Antiquité

Des pèlerins malades se rendaient au temple de la guérison à Epidaure et faisaient des offrandes au dieu de la santé Esculape. Le but de ce pèlerinage était d'obtenir un rêve donnant un élément essentiel qui favoriserait la guérison. Le temple était un lieu sacré et avant d'y accéder, nombreux étaient ceux qui jeûnaient ou tout au moins mangeaient très légèrement… Pour que le corps retrouve son rythme intérieur le pèlerin faisait des ablutions, participait à des danses … La plupart des pèlerins rapportaient des rêves intenses où le dieu Esculape leur apparaissait. A leur réveil matinal, les pèlerins, reposés partageaient leurs expériences.
L'attente était un élément important, mais selon les témoignages des milliers de pèlerins connurent des rêves prédits de guérison ou de conseil.


Cette manière spéciale d'entrer en relation avec ses rêves est appelée l'incubation onirique.
Sa description est représentative de l'incubation des rêves dans la Grèce antique, mais les pratiques véritables pouvaient varier dans le temps, d'une région ou d'un temple à l'autre. Ces temples furent activement utilisés pendant plus de 1000 ans.

L'incubation onirique ne nécessite pas de croire en un dieu particulier ni de se rendre en un lieu sacré.
Il suffit de trouver un lieu où on ne sera pas distrait de son objectif d'induction onirique puis de formuler clairement le rêve projeté.
Il faut aussi concentrer son attention sur le rêve désiré en se montrant patient et tenace..
 
 

 

Les rêveurs amérindiens

Toutes les tribus indiennes d'Amérique ont attribué au rêve une importance particulière. Les façons d'utiliser les rêves variaient selon les cultures indiennes. Souvent intégrés aux croyances religieuses, les rêves permettaient d'entrer en relation avec les esprits surnaturels et d'acquérir un pouvoir par leur intermédiaire.
Presque partout, on les employait pour prédire l'avenir et on pratiquait des rituels afin d'éliminer les mauvais rêves et favoriser les bons.

Vers l'âge de treize ans, l'adolescent qui n'avait pas encore eu de relation sexuelle participait à un rite d'initiation qui traçait son avenir. Ses parents l'accompagnaient en un lieu isolé ou le jeune résidait au cours des jours suivants (parfois durant une dizaine de jours). Durant cette période il jeûnait et buvait seulement un peu d'eau dans l'attente d'un rêve initiatique. Ses parents venaient le visiter chaque matin afin de savoir s'il avait pu vivre son " grand rêve " ou non.
C'était un rêve qui lui appartiendrait en propre , ce serait la source personnelle de son pouvoir car un sorcier durant la nuit le visitait et lui transmettait les clés de son avenir et plus précisément sa " mission " vis-à-vis de la tribu…


Les Amérindiens avaient une façon très pratique d'utiliser leur rêve. Bon nombre de danses indiennes, de chants mais aussi d'objets façonnés, tels que les tambours, les pipes et les coiffures proviendraient des rêves.

Nous-mêmes à l'image d'une société , nous pouvons bel et bien tirer de nombreux avantages de l'usage accru de nos rêves et de l'organisation de nos forces internes pour qu'ils œuvrent en notre faveur.

Selon les Amérindiens, on pourrait dire que :

- Des personnages amicaux apparaissent dans nos rêves et nous offrent des connaissances et une aide précieuse.
- Les rêves fournissent au rêveur des matériaux qui l'aident dans sa vie professionnelle (le peintre rêve de tableaux, le poète rêve de poésie…).
- Les rêves sont obtenus plus facilement grâce à la connaissance de techniques spécifiques d'indu
ction onirique.

 

 

Les rêveurs Senoï

"Qu'as-tu rêvé cette nuit ?" est réellement la question la plus importante dans la vie des Senoï. Elle le deviendrait également pour nous si nous utilisions leurs techniques ; dès lors, nous pourrions nous affranchir de nos cauchemars et développer notre créativité.

Tous les matins au petit déjeuner, chaque membre de la famille - du plus jeune au plus vieux - raconte ses rêves. De la naissance à la mort, toutes les activités sont largement déterminées par les rêves individuels. Les enfants les décrivent dès qu'ils commencent à parler. Les parents les interrogent sur leurs comportements oniriques, leur signalent leurs erreurs, les complimentent s'ils ont eu l'attitude appropriée, les questionnent sur les évènements passés en rapport avec le rêve, les conseillent sur la manière de modifier la conduite dans les rêves. Une fois le rituel familial fini, la famille se rend au Conseil du village où le travail sur les rêves va se poursuivre. On discute du sens de tous les symboles et évènements... La plupart des activités quotidiennes sont ainsi définies à partir des interprétations et des conclusions résultant de ces discussions...

La caractéristique la plus étonnante des Senoï est sans doute, leur extraordinaire équilibre psychologique.

Une première règle des rêves consiste à affronter et à vaincre le danger. Si un enfant rêve par exemple qu'un tigre le pourchasse, il devra prendre conscience que c'est un rêve et affronter l'animal. S'il n'y arrive pas tout seul, il appelera ses amis de rêve. Dans sa vie onirique il apprendra toujours à affronter le danger pour le vaincre. Le rêveur ne joue plus, comme s'est souvent le cas, le rôle de victime.

La deuxième règle onirique est la recherche du plaisir. L'enfant est encouragé à vivre dans les rêves des expériences sexuelles et à profiter au maximum des sensations qui les accompagnent. Il lui est aussi recommandé de prendre plaisir au vol aérien en se relaxant et en l'expérimentant pleinement.

La troisième règle onirique est d'aboutir à une issue positive. En principe aucun rêve ne doit se terminer avant la réalisation d'une action positive. Par exemple il faut que le vol aboutisse quelque part, que le rêveur rapporte de son rêve un cadeau utilitaire ou artistique qu'il partagera avec sa famille. S'il rêve de nourriture il devra la partager avec des amis oniriques...

L'enfant Senoï doit vaincre ses ennemis oniriques et s'en faire des alliés afin de devenir le père de nombreux enfants spirituels qui l'aideront par amitié.

Si les images oniriques représentent les idées intériorisées du rêveur sur lui-même et les autres, et les actions du rêve la façon dont il interagit avec lui-même et son environnement, alors les transformations des évènements oniriques peuvent changer la perception qu'il a de lui-même et du monde.

Le contrôle du rêve est basé sur ce concept. Si nous changeons nos comportements oniriques, et si ceux-ci se transfèrent dans la vie diurne, alors nos comportements de veille se transformeront aussi, et ainsi de suite, selon une spirale évolutive !

 

 

Les rêveurs tibétains

"La peur disparaîtrait de nos rêves si nous apprenions à les reconnaître comme la simple expression des formes et apparences revêtues par nos pensées. Nous sommes le démiurge de nos personnages oniriques, le producteur, le metteur en scène et l'auteur de leurs intrigues. Quand bien même, pour nous distraire ou nous instruire, nous les laisserions improviser un spectacle, notre faculté d'intervention est omniprésente."

Les yogis soutiennent avoir atteint une maîtrise telle que si leur corps entre en état de sommeil, leur esprit n'en demeure pas moins parfaitement conscient. Ils conservent cette lucidité en état de rêve et contrôlent ainsi son contenu en affirmant : " … le caractère de tout rêve peut être changé ou transformé en désirant qu'il le soit. " Et au réveil, ils gardent un souvenir complet de leur vécu.

Avant de s'endormir l'initié se livre à des techniques particulières de respiration et de visualisation. L'obscurité et le silence favorisent l'émergence de vives images mentales. ( Cette pratique rejoint celle consistant à s'imprégner - jusqu'aux toutes dernières minutes précédant l'endormissement- du sujet dont on souhaite rêver).
Au réveil il se concentre sur un point de couleur blanche, situé entre les sourcils.
A la tombée de la nuit il médite à nouveau sur ce point. Une concentration soutenue sur une pensée unique facilitera sa résurgence en rêve, préviendra l'éparpillement du contenu onirique.
Pour qu'il se sente en sécurité dans le monde onirique, le rêveur tibétain établira des relations amicales avec ses habitants, les Viras et les Dakinis et leur fera des offrandes à l'état de veille.


En développant sa lucidité lorsqu'il rêve, l'initié arrive à en transformer à volonté son contenu et ainsi peu à peu se libère de la peur des images oniriques en les reconnaissant comme ses propres pensées.
Cette prise de conscience entraîne la disparition de la peur et permet d'utiliser les rêves dans un but créatif et thérapeutique.

 

 

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